Essai: BMW M3… saisons ! (automne)
Par Bruno Sacré, le mardi 22 novembre 2011 - ESSAIS AUTO - Lien permanent - 6664 lectures
Photos: LE David, Andreas Schumacher
En mai dernier, nous avons inauguré cette série d’essais en M3 avec un temps estival, une température de 30° et une auto typée piste. Nous voici de retour à l’automne avec une seconde voiture. Mais surtout, nous profitons de ce temps exceptionnellement sec et d’une monte en pneus neige sur la M3 pour parler du règlement des prochaines Legend Boucles de Spa qui imposera ce type de gommes à tous les concurrents et ceci quelle que soit la météo. Une occasion unique s’offre à nous pour tester le comportement d’une auto de 190 ch équipée de pneus neige sur un bitume sec et par une température très fraîche.
La voiture que mon ami Andreas a mis à ma disposition est un modèle de 1987 qui affiche une puissance de 195 ch d’origine. Il s’agit d’un châssis M-Sport rabaissé de 3 cm et l’auto est équipée d’amortisseurs Koni à l’avant comme à l’arrière et de disques de freins avants et arrières ventilés (Zimmermann) munis de plaquettes Ferodo DS2500. Des barres anti-rapprochement et un échappement sport complètent l’équipement. Les pneus neiges sont des Toyo Snow Prox S953 (dimensions 225/45 R16 93H).
Nous voici donc avec un package assez proche de ce que beaucoup de concurrents vont avoir sur leur auto à Spa en février prochain. Pour les conditions, nous notons une température extérieure de 8°. Il a bien gelé la nuit, le sol est froid.
Notre premier test se déroule sur une route étroite bordée de cordes tranchantes. Je dois donc éviter de trop glisser. Le tronçon se compose ainsi : un élan de 600 m, un gros freinage pour un virage à gauche, 200 m de relance et un virage à droite. Nous allons le parcourir à trois reprises dans un sens puis dans l’autre.
Au premier passage, je me sens bien avec l’auto, le freinage se passe sans encombre, l’inscription dans le virage est parfaite et la motricité en sortie est correcte. La dérive n’est pas exagérée. Au « run » suivant, le feeling est bon, mais la dérive est déjà plus accentuée même si son contrôle reste facile. C’est au troisième passage que l’évidence apparaît: le freinage est moins efficace et la direction devient imprécise. Il est plus compliqué de placer l’auto. La dérive en sortie de virage est maintenant exagérée et également plus ardue à contrôler. La M3 a aussi perdu en motricité. Nous notons que le pneu n’est pourtant pas exagérément chaud.
Le second test nous amène sur une portion de route goudronnée qui se compose de 50 m d’élan avant un virage à droite à angle droit suivi de 300 m de côte rectiligne, d’une courbe qui referme à droite puis de 250 m d’élan avant une courbe bosselée à gauche. Même principe: nous faisons trois allers-retours avec la M3.
Premier passage: la BMW s’inscrit facilement, la dérive du train arrière est modérée et facile à gérer. Le freinage avant les virages est bien incisif, sans surprise. Le second passage est un peu plus spectaculaire. De l’intérieur, ça me semble néanmoins toujours aussi facile. Au troisième passage, la désagréable impression de rouler sur des œufs constatée dans la portion essayée en premier lieu revient. Le freinage avant les virages et l’inscription au volant deviennent une nouvelle fois nettement plus approximatifs. La motricité s’est dégradée. Je me sens moins en accord avec la M3, ayant l’impression de « surconduire ».
L’expérience vécue dans le cadre de cet essai au volant de la M3 me permet d’affirmer sans prendre de risque que piloter une auto à la limite avec des pneus neige sur une asphalte sèche sera un exercice périlleux. Après sept à huit kilomètres suivant la marque des pneus utilisée, le comportement des autos se dégradera.
Je ne pouvais manquer de faire appel à deux spécialistes pour étayer mes affirmations. Aussi ai-je sollicité l’avis du pilote Jean-Louis Clarr et celui de Michel Martin, ancien responsable Michelin en rallye mondial.
S.A.: Alors Jean-Louis, tu as roulé l’an dernier à Spa et tu sera peut-être de la partie cette année. Que penses-tu de ce règlement ?
J-L.C.: « - Pour ce qui est de l'utilisation des pneus neige en toutes circonstances tout dépendra des conditions atmosphériques. Si la météo est clémente, la diminution du coût du budget pneumatique revendiquée par les organisateurs ne sera pas atteinte, car ce type de pneus va s'user très vite. D'un point de vue sportif, je ne pense pas que cela nivellera les valeurs, car les grosses équipes auront toujours la possibilité de disposer de gommes plus performantes et mieux adaptées aux différents terrains que celles commercialisées pour le concurrent lambda.
Quant au pilotage il risque d'être encore plus spectaculaire, mais est-ce bien nécessaire à Spa où même avec un équipement pneumatique adéquat, les autos sont pour la plus part en glisse perpétuelle ? Dans tous les cas, le pilotage va devenir plus aléatoire avec le risque d'aller à la faute et de sortir de la route, ce qui ne va pas améliorer la sécurité du public, lequel est déjà très exposé. Les organisateurs imposent donc une réglementation qui n'a, à ma connaissance, jamais été testée où que ce soit, ce qui est quand même un sacré coup de poker.
Par contre, si le terrain est mixte avec de la neige dans certains secteurs et seulement de la pluie ou de la boue dans d'autres, nous n’aurons pas le souci de choisir entre deux montes de pneus, ce qui est positif, même si c'est au détriment de l'efficacité dans la boue. Encore une fois, le gros risque est de trouver des spéciales plus ou moins sèches où les pneus neige seront un handicap budgétaire et sécuritaire.
Personnellement, la formule de l'an dernier m'avait paru bonne puisqu'à notre niveau, l'achat d'un train de neige et train de pneu RC1 « passe-partout » ne représentait pas un budget considérable et présentait un gage de sécurité suffisant et un niveau de performance acceptable. Evidemment, cela n'avait rien à voir avec ce dont disposait les pros, mais à mon avis, cela sera encore accentué cette année avec la nouvelle réglementation, car les "amateurs" qui n'auront pas la possibilité de faire des essais, se lanceront dans l'inconnu ».
Comme on le voit, Jean-Louis Clarr n’est guère convaincu du bien fondé de ce point du règlement. Nous allons voir que Michel Martin ne l’est guère plus.
S.A. : Alors, Michel, quel est ton avis sur la question, toi qui es certainement le mieux qualifié pour en juger ?
M.M. : « - Pour profiter d’un pneu neige il faut - comme son nom l'indique - du froid et de la neige. Sur vos routes, c'est souvent de la boue plutôt que de la neige qu’on trouve. Donc le « neige » n’est pas adapté car il n’a pas la même carcasse ou structure que le « racing ». Les pneus neige ont de nombreuses découpes ou lamelles qui rendent la conduite très difficile car la direction devient floue et imprécise. Il faut noter que le public devra intégrer cette donnée pour se placer et éviter les endroits délicats pour sa sécurité. Attention: je parle ici bien entendu de pneus neige du commerce, ceux de monsieur tout le monde. Evidement, ceci sera différent si on parle de pneus Racing Neige adaptés à la puissance et aux largeurs de jantes de l'auto. Mais alors là quel budget pneu ! ».
Nous clôturons donc le volet pneu neige au soleil pour continuer l’essai de cette seconde BMW M3, proche de l’origine et beaucoup plus agréable à utiliser sur nos mauvais routes que la M3 noire conduite en mai dernier dont les réglages « pistes » étaient peu adaptés.
Quatre-vingt kilomètres de bonheur nous permettent encore une fois de retrouver les nombreuses qualités et les rares défaut que nous avions déjà soulignés dans nos articles précédents:
Un grand merci à Andreas pour le prêt inconditionnel de ses deux M3 ! Et aussi merci au jeune David pour ses photos. Prochain rendez-vous M3-Saisons en hiver ! Enfin, si il neige, parce que la météo, mon bon Monsieur, elle devient folle…
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