Mercredi 27 octobre, six heure du matin. La voiture est chargée et nous partons pour Radotin. 890 km plus loin, nous arrivons au garage Patera, une officine Citroën où nous attend notre voiture de course: une Toyota Célica Turbo 4WD. Nous sommes à peine entrés dans la cour du garage qu'arrivent à leur tour Eduardo Avila et Antonio Caldera, deux portugais habitués de ce rallye qu'ils vont disputer sur une VW Golf Gti 16V. Immédiatement, le courant passe bien avec ces deux hommes dont nous allons apprécier l'humour et la gentillesse durant tout notre séjour. Nous parlons évidement tricot tandis que les mécanos d'Eda Patera règlent quelques détails sur nos autos. Il est maintenant temps d'aller à notre hôtel pour découvrir... un hall de sport pourvu d'une dizaines de chambre au confort que nous qualifierons de spartiate. Et voici que nous rejoignent mon pote Michel Grimaldier et son pilote Philippe Champagne qui s'aligneront sur une Opel Kadett GSi.  Il est temps de penser à manger (important çà !) et nous trouvons un super restaurant (grâce au conseil avisé d'Eda) dans le quartier de la petite gare de Radotin. Durant le repas, nos amis qui sont des habitués du Prague Revival vont nous donner des infos et autres détails qui nous font penser que nous allons en baver. C'est peu dire, nous le comprendrons plus tard.

Jeudi 28 octobre. Mon ami Jean-Louis Clarr et son copilote Frederic Cohen nous ont rejoint. Ils rouleront évidement en Opel Kadett GT/e, Jean-Louis étant entré dans l'histoire des rallyes français au volant de ce modèle. Eda Patera qui décidement coiffe plusieurs casquettes puisqu'il est organisateur du rallye et loueur des voitures que nous alignons se mue maintenant en guide touristique. Nous prenons le train à Radotin, direction Prague. Pour ceux qui connaissent, Prague est une ville magnifique. Pour ceux qui n'ont jamais vu, un conseil: allez-y ! Au programme, visite et restaurant. Après ces joyeusetés, il est temps d'installer l'interphone dans la Toyota, de régler nos harnais et d'aller repérer le Kart Centrum de la ville d'où nous partirons demain. 

Vendredi 29 octobre. Un oeil sur les concurrents au nombre de 168 qui arrivent. Ce plateau est dingue ! Des Trabant cottoyent des Porsche, Audi Quattro, Skoda, VW, Rover, BMW, etc... Tchèques, Estoniens,Portugais, Français, Polonais, Allemands et Belges se frayent un chemin vers le contrôle administratif. Nous y faisons connaissance avec John Haugland, pilote norvégien du championnat du monde des rallyes entre 1973 et 1990 et son fantasque copilote anglais Richard Pashley. John pilote ici une Skoda. Notre ami Robert Tavet vient de nous rejoindre. Il est venu en camping car avec Dominique Raguin, son sympatique copilote et son épouse. Il pilotera sa petite Fiat Uno Turbo.

14h45, départ de la Toyota Célica n°15. Première liaison très courte de quelques kilomètres et première spéciale, une espèce de gymkhana très court. Je commence mal en tournant trop large à la première épingle. Cette Célica avec ses 4 roues motrices et ses pneus Racing ne me facilite pas les choses. Le frein à main est HS, je ne peux pas compter sur lui pour me sortir de ce petit mauvais pas.

La liaison suivante doit nous emmener au départ officiel sur le Palach Square au centre de Prague. Nous ne comprenons rien à ce road book et pointons... en retard. L'ambiance sur la place est géniale, les gens souriants et pro-rallye. Après une petite demi-heure, le speaker nous présente en tchèque (nous ne comprenons rien!). Peut-être qu'il dit :"tiens voilà un équipage d'idiots qui ont déjà réussi à se paumer"? Mieux vaut ne pas le savoir. 

Allez, en route. Après quelques kilomètres, nous prenons la... mauvaise autoroute. Nous allons perdre plus de 45 minutes avant de trouver notre chemin. Enfin, assez énervés nous arrivons au départ de la seconde étape spéciale qui répond au doux nom de Bela Pod Bezdezem. C'est court: 2,8 km mais intense. La nuit est déjà tombée. Nous devons prendre un chemin de terre dans l'immense forêt en quittant la spéciale. Au bout de 2 km, la rampe de phare illumine un Christ de six mètres de haut. Cette vision est indescriptible tant il y a du mystique dans cette scène que je n'arrive pas à transcrire.  Ensuite liaison vers Liberec pour dormir à l'hôtel Babylon. L'assistance de nos voitures nous y attend. A peine le temps de poser nos bagages, il faut sprinter vers le restaurant qui va bientôt fermer. Les couloirs de cet hôtel monstrueux de 1000 chambres me font penser au film Shining. La nuit, des polonais ivres morts vont foutre le souk jusque trois heures du matin. Super!

Samedi 29 octobre. Des oeufs, du lard, du café. Et cette fois, nous avons compris pourquoi nous ramassons des dégelées dans ce rallye. Le road book est simpliste: vous traversez par exemple ville ou village avec des routes à gauche, à droite. Et bien vous devez restez sur la principale ou ce qui est supposé l'être car ce n'est pas toujours évident. A bord de l'auto, un transpondeur enregisrtre le moindre excès de vitesse et le traduit en pénalités. Dans les spéciales, le temps que vous réalisez est crédité d'un handicap qui correspond à l'année de fabrication de votre voiture. Je me demandais pourquoi un gars en Skoda 120 taxait ma Célica Turbo 4WD, ben j'ai compris. Et heu...ça me rassure. 

Petite liaison où cette fois, Anne-France navigue à l'aise et nous voici au départ de la spéciale qui est un circuit de Speedway. 4 tours plus tard, nous avons un sourire béat dans la Toyota. Nous nous sommes éclatés. On continue vers Ski Arena où nous arrivons sans encombres. La spéciale est marrante et nous roulons plutôt bien. Eda qui veille sur ses troupes nous gratifie d'un pouce levé qui nous rassure. Hélas, nos anges gardiens Eduardo et Antonio cassent le diférentiel de la Golf sur la ligne de départ. Pas de problème, un geste d'Eda et ses mécanos déchargent une Citroën AX de la remorque du camion d'assistance. Eduardo devient donc pilote Citroën et peut continuer le rallye.

Nous reprenons le road book qui va nous emmener sur des chemins absolument magnifiques avec des lacs, des forêts et des routes bien tortueuses. Le tout est magnifié par une lumière automnale qui habille les arbres devenus roux. Superbe! Nouveau départ pour Bela Pod Bezdezem 2.

Bonne spéciale pour nous, j'ai la Célica bien en main. Petit casse croute en compagnie du second équipage belge engagé au rallye (Jean-François Devillers et Eric Chapa sur leur jolie Porsche 911 bleue), petit cigare et c'est reparti. Une liaison nous ramène dans l'anneau du Speedway. Une nouvelle fois, je vais prendre mon pied dans de grandes glissades. Et puis... le bordel! Nous nous perdons à nouveau avec ce type de navigation bizarre. L'organisateur qui sait ce qui attend les novices a tout prévu. Un point GPS nous permettra de rejoindre Ski Arena, mais nous avons carrément loupé une spéciale. Excès de vitesse, spéciale non faite et retards au pointages nous font chuter de façon vertigineuse au classement général de la catégorie LEGEND. Nous sommes à ce moment 16ès sur 16. Magnifique. Mais nous sommes hilares et continuons à prendre les choses comme elles viennent.

Seconde nuit au Babylon (communist) hôtel. Et là, je vais prendre les choses en main pour faire découvrir à mes amis Portugais et Français les vertus de la Slivovitz (alcool à partir de quetsches) ! Nous avons tellement ris que les muscles de ma mâchoire sont encore endoloris à l'heure d'écrire ce récit. Philippe Champagne, voyant arriver une énième Slivovice dira: "celle là, elle va nous finir!". Nous apprendrons aussi que notre fantasque anglais Richard Pashley a essayer de piloter...une chèvre un soir d'ivresse après un rally (I never drive a goat !)

Dimanche 1er novembre. Première spéciale de la journée. C'est une course de côte et nous y marchons fort. Anne-France et moi sommes cette fois bien réveillés et nous avons compris comment fonctionne le Prague Revival. Pointage à zéro après 90 km de liaison et dernière spéciale dans le Military Area de Milovice. Le team Patera est au complet à l'arrivée ainsi que notre ami Bob malgré quelques petits soucis sur sa Uno. Il est temps de rentrer à l'hôtel, quitter nos combinaisons ignifugées pour prendre une douche avant de rejoindre le Kart Centrum de Radotin pour la remise des prix. Nous finissons finalement 14ès sur les 16 équipages inscrits en catégorie LEGEND (celle des pilotes étrangers qui ont roulé voici plus de 25 ans en rallye inter).

Débriefing d'après rallye durant un dernier repas pris avec ces merveilleux amis plein d'humour et de gentillesse. De quoi, allons nous nous souvenir dans quelques mois? D'avoir pris tel virage en travers complet? Non. D'avoir fait un super temps dans telle spéciale? Non. Ce qui va revenir, ce sont les tranches de rire, l'amitié et les grosses accolades au moment de se quitter. 

Un dernier mot sur l'organisateur, Eda Patera. Ce type est incroyable. Il est partout, gère son équipe de main de maître avec passion, avec le coeur. A aucun moment malgré la pression de gérer plus de 400 sales gosses, il ne montrera d'agacement. Ce type d'épreuve, on aime ou on aime pas. Tout dépend de ce qu'on cherche. Ma copilote et moi avons en tous cas trouvé ce que nous y cherchions: une merveilleuse aventure.