Un coup de fil de Rossella, la fille du patron, une heure avant mon rendez-vous, me confime que son père Orlando est bien là, dans son atelier. Et qu'il sera bien heureux de recevoir ma visite.

On se connait depuis plusieurs années, mais lors de notre participation au dernier Valle Imagna Classic, où je viens de le copiloter à bord de sa magnifique Porsche 911 SC gr.4, nous sommes devenus vraiment des amis très proches. On s'est beaucoup régalés sur les routes de montagne, pendant ces deux jours là. On a partagé le temps, l'habitacle et la belle ambiance de ce rallye historique qui se déroule à la fin de l'été.

Aujourd'hui, trois mois après ce Valle Imagna, je me rends à Pedrengo, un village situé à quelque kilomètre de la ville de Bergamo, pour échanger quelque mot avec le plus important des préparateurs Porsche en Italie. Il s'occupe de cette marque depuis plus de 50 ans, et son amour pour les voitures de Stuttgart ne s'est jamais affaibli.

Orlando Redolfi m'accueille dans son bureau, entouré par un tas de livres, revues automobiles, modèles reduit, coupes et trophées de toutes sortes. Ici la passion pour les voitures de compétition se respire à pleins poumons.

Cet homme, agé de 71 ans, est d'une gentilesse au dessus de la moyenne. En tant d'années je ne l'ai jamais vu perdre le controle de lui-même, ni avec ses collaborateurs, ni avec les pilotes qui ont conduit ses autos.

Même s'il n'a pas fait de grandes études, dans sa jeunesse, il possède une vaste culture, et avec lui on peut emprunter le discours sur n'importe quel sujet, en étant sur qu'il sera toujours dans le coup, avec des avis qui manifestent son equilibre et son bon sens de la vie. Naturellement le sujet qu'il préfère, pour la conversation, se sont les voitures de course, et tout ce qui tourne autour de cet univers là, qui le voit protagoniste depuis un bon demi siècle.

Et pendant qu'il me conduit dans son vaste atelier, entre voitures modernes et anciennes, il est evident qu'il les aime toutes, et qu'il les connait par coeur, car il m'en parle tout le temps sans la moindre hésitation. Lors que j'aborde le sujet, à propos d'un modèle ou d'une version en particulier, il m'explique des détails techniques avec précision, ce qui est fort étonnant à mes yeux, s'agissant de voitures d'il y a une quarantaine d'années.

Mais qui est, pour être plus précis, Orlando Redolfi?

Il naît près de Bergamo en 1948. Vers l'age de 14 ans il commence à travailler comme apprenti mecanicien chez Bonaldi, qui est le concessionaire Volkswagen-Porsche de Bergamo. Nous sommes au début des années 60. Quelqu'un parmi les gérants remarque ce jeune, silencieux et timide, qui travaille avec passion sur les moteurs, et l'entreprise decide de l'envoyer en Allemagne, à Zuffenhausen, pour un cours de pratique de quelques mois sur les moteurs Porsche. Il ne parle pas un mot d'allemand, mais un autre garçon italien qui participe lui aussi au stage, fait l'interprète. Peu après son retour à Bergamo, les premiers "flat 6" des 911 arrivent en Italie. Son patron, vu les résultats du premier stage, le fait monter encore en Allemagne pour apprendre mieux, dans l'usine de Zuffenhausen, les secrets de ce nouveau moteur. Le jeune se bâtit ainsi un solide expérience sur les Porsche, qui lui sera très utile dans sa vie. Peu d'années après, il est embauché chez Bonomelli, un pilote-mecanicien qui prépare les 911 dans la ville de Brescia et qui est en train de se faire un nommée dans le milieu des courses italiennes. Au volant d'une 911 2,7 litres, M. Bonomelli participe même à une édition de la Targa Florio, en coéquipier de Christine Beckers. Pour bosser chez lui, Orlando fait chaque jour les trajet de Bergamo à Brescia (à peu près 60km) avec sa Fiat 500 qu'il a élaboré jusqu'à 700cc, et il chronomètre son temps, en essayant chaque jour de l'améliorer. Il n'aime pas seulement travailler sur les voitures, la conduite aussi est quelque chose de passionnant pour lui. Avant de la moitié des années 70, il décide de se mettre à son compte, dans un petit garage à coté de sa maison. Le jeune mécanicien travaille très bien et en peu d'années le nombre des clients commence à grandir, jusqu'au point d'être obligé d'élargir son garage, qui arrive finalement à un espace de 400 mètres carrés. Il n'y a pas beaucoup de monde, dans le rayon de 50km de Bergamo, qui connait les Porsche comme lui, et les résultats sont au rendez-vous. Outre s'occuper de ses clients, il s'engage aussi en  rallyes et en courses de cote de la province, et de la région ensuite. Après les premières courses avec une 914, il passe à la 911, et les succès ne se font pas attendre. Entre la fin des années 70 et le début des 80 il remporte des scratch à niveau régional, et il se comporte très bien même au niveau des rallyes nationaux. Ses clients aussi remportent de plus en plus des rallyes, et un d'eux, Nick Busseni, est le premier en Europe à remporter un rallye avec une 924 Turbo, au Rallye Prealpi Orobiche 1982.

Il s'agit aussi de la première victoire scratch d'une voiture de Groupe B en rallye en toute l'Europe. Heureusement, Orlando a gardé cette voiture, il ne l'a jamais vendue, et il en parle encore avec beaucoup de passion.

Un autre moment important pour ses voitures c'est le Rally della Lana 1979, qui est une épreuve du Championnat d'Europe. Un de ses clients, Franco Uzzeni, au volant d'une 911, reste en tête du rallye pendant un bon nombre de ES, devant Attilio Bettega avec la 131 Abarth Alitalia d'usine, qui remportera la course après l'abandon du pilote d'Orlando.

Les années passent, avec des nombreuses victoires, mais quand le groupe B est arrêté par la Fédé, il lui faut se reconvertir, car Porsche n'a pas une voiture Gr. A dans son catalogue. Donc il choisit de préparer des Mercedes 190 16 soupapes. Sous indication de l'usine Mercedes, il se rend chez Dany Snobeck, en France, et il achète la voiture et les pièces. Encore des victoires dans les rallyes du nord d'Italie, et ensuite encore un changement de chemin. S'il veut que ses pilotes restent au top des classements, il lui faut une top voiture. Il decide de passer à la préparations des Toyota Celica. Comme son habitude, il se rend chez un pro, après s'être fait donner conseil par l'usine. Cette fois c'est chez Ove Andersson qu'il fait son voyage, et il achète voiture, pièces, et se fait écoler pour mieux préparer cette voiture.

Même si Orlando est un homme avec beaucoup d'expérience, il garde toujours son humilité et il n'a pas honte d'aller demander des conseils à ceux qui connaissent une marque mieux que lui. Ce sont encore des années heureuses, et ses clients se classent fort bien dans les rallyes italiens. Cependant, après une dernière victoire dans le rallye de son jardin, le Prealpi Orobiche, il cesse son activité de pilote, et se donne au 100% à celle de préparateur.

Mais le monde des rallye change encore, et quelques uns de ses clients lui demandent de préparer une voiture pour la piste, une Porsche. Pour Monsieur Orlando Redolfi c'est le retour à l'ancien amour, sa marque fétiche, et le début d'une nouvelle page du livre de sa vie. Il met en oeuvre une plus grande organisation dans un plus grand bâtiment, qui comprend le garage pour les voitures de production, l'atélier pour les clients sportifs, l'exposition des voitures et l'habitation au premier étage, ainsi il n'a qu'à descendre un escalier pour se rendre dans les voitures de compétition. La nouvelle entreprise, qui s'appelle Autorlando Sport, l'emmènera à remporter, avec plusieurs pilotes, un tas de titres italiens, européens et des Coupes FIA, jusqu'à l'apogée d'une troisième place de catégorie aux 24 heures du Mans.

Un des pilotes qui conduisaient ses Porsche en circuit,  il y a quelques années, était un jeune qui s'appelle Toto Wolf, c'est à dire celui qui maintenant dirige le team Mercedes en Formule 1. Dans le dernier livre qui fait le portrait d'Orlando, on trouve le bel hommage que lui fait Toto Wolf, en disant qu'à cette époque là, en courant dans son team, il a appris par Orlando les secrets pour bien diriger une équipe de course. Et encore maintenant, il cite l'exemple d'Orlando dans la conduite de son équipe qui lui est très utile dans son travail. Chaque année, lors qu'il arrive en Italie pour le GP de Monza, Toto Wolf appelle son ancien team manager Orlando et l'invite avec sa famille ou ses collaborateurs dans le stand Mercedes pour les essais du GP d'Italie, en signe de reconnaissance pour les belles années passées dans l'équipe Bergamasque.

Dans le Team Autorlando Sport on trouve aussi, depuis quelques saisons, une autre figure qui devient de plus en plus importante. C'est Rossella Redolfi, la fille de Orlando, qui avec son mari Ruben, aide le patron en occupant des rôles primordiaux au coeur de l'équipe. Et en même temps, tandis qu'il s'occupe du présent et de l'avenir de son organisation, Orlando n'oublie pas son passé, en s'occupant aussi de la préparations de plusieurs modèles d'anciennes Porsche, pour le rallye et pour la piste, dont la dernière en cours de construction est une magnifique 904.

Agé de 71 ans, il ne montre pas d'apiration à la retraite. Au contraire, avec sa 911 SC des années 80, il se fait plaisir dans les rallyes comme pilote !

Et moi, qui a eut la chance et l'honneur d'occuper le baquet de droite dans cette voiture, je vous assure qu'il n'a rien perdu de son sacré coup de volant. Les hommes comme lui sont loin de vieillir. C'est la passion qui les tient jeunes, jour après jour, sans se soucier des chiffres écrits sur les documents d'identité. Tant qu'il aura une voiture en main, Orlando Redolfi  sera toujours un gamin heureux.

TEXTE : ORESTE MORZENTI

CREDIT PHOTO : ORESTE MORZENTI