Tatra 603
Par Bruno Sacré, le jeudi 03 octobre 2019 - ESSAIS AUTO - Lien permanent - 1783 lectures
La première fois que j'en ai vu une, c'était dans le parking d'un hôtel niché en pleine Bohème à mi-chemin entre la frontière de Bayerische Eisestein et Prague. Je connaissais de nom les impressionnants camions de course qui s'étaient illustrés sur les pistes du Paris-Dakar mais j'ignorais que Tatra avait fabriqué des autos. Ma curiosité envers cette grenouille peu gracieuse fut encore plus forte lorsque le jeune réceptionniste de l'hôtel lança le moteur à 8 cylindres qui fit entendre un feulement ressemblant vaguement à celui d'un flat six Porsche! Quelques Slivovice avalées cul sec plus tard, le gars me tendit les clés de son "Panzer" tchèque. Une occasion pour moi d'enrichir ma culture automobile en conduisant cette limousine habituellement réservée aux dignitaires tchèques comme l'ancien président Ludvik Svoboda qui fut au pouvoir entre 1968 et 1975.
Si la Tatra paraît désuette au premier abord, il faut admettre qu'elle est plutôt ingénieuse. On raconte d'ailleurs qu'elle a fait l'objet d'une étude assez poussée lors de sa conception. A force d'appendices de toutes sortes, les ingénieurs sont arrivés à un dessin tourmenté, étonnant, voir impressionnant. Vous avez-vu cette lunette arrière? Est-ce cette auto qui a inspiré les designers de la Chevrolet Corvette d'antan d'ailleurs dessinée par un homme de l'Est? Quoiqu'il en soit la Tatra est une voiture tout ce qui a de plus sérieuse dans sa conception. Jugez plutôt: 4 roues indépendantes qui se greffent sur une structure comportant une robuste coque autoporteuse en tôles embouties. Quatre tambours assurent un freinage à double circuit. Pas mal pour une auto conçue à la fin des années 50. Côté moteur les surprises se suivent également. Le groupe propulseur est en effet unique au monde puisqu'il s'agit du seul V8 à 2,5l se trouvant en porte à faux arrière et refroidi par l'air provenant de 2 turbines. Une technique qui permet à Tatra de rejoindre Porsche, Citroën et VW dans le club fermé des constructeurs ayant utilisé ce procédé de refroidissement.
Quand j'ai pris le volant de cet engin, je sortais d'une longue période durant laquelle j'avais essayé pour des revues spécialisées pas mal de véhicules anciens de sport. Je dus calmer mes ardeurs et prendre le temps de découvrir la conduite particulière que la 603 demande...
Entendu de l'intérieur (qui est austère et dépouillé), le moteur émet un souffle rauque assez discret et agréable à l'oreille. On démarre et on passe rapidement le second rapport tant le premier est court. On finit par atteindre 80km/h en...heu...deux mois à peu près. L'engin est lent, terriblement lent! Il faut pour çà passer les rapports en délicatesse et en décomposant bien ses mouvements afin d'arriver en 4è. Les 105ch de ce V8 musical permet une vitesse de 160km/h que je n'ai pas atteinte vu qu'en Bohème, çà tourne beaucoup et que le bestiau accuse quand même 1.470kg sur la balance!
Les suspensions de la Tatra avalent les trous avec bonhomie, on dirait une voiture américaine. Quoiqu'il en soit la Tatra semble indestructible. Grâce à sa conception originale, pas de fuite d'eau, pas de durites poreuses, ni de défaillance du joint de culasse. Sa carrière a duré 20 ans sans que la voiture ne connaisse de modification importante.
Quelques années après avoir pris le volant de cette Tatra, je fus mandaté par un collectionneur pour en vendre une. Autant dire qu'elle a pourri dans le garage... Pas...Tatra! Elle est comme çà,la Tatra. Elle raconte une Histoire qui échappe à notre culture occidentale toute acquise aux marques prestigieuses
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