Revenons en détails sur ce rallye d’anthologie…

Le making-of

Pour s’imprégner de l’importance de l’organisation, commençons par un entretien avec Willy Lux, coordinateur général de l’épreuve. Pour rappel, on se souviendra que Willy a été le copilote de Marc Duez et Grégoire de Mevius avec lesquels il a inscrit à deux reprises son nom au palmares. Si on l’a connu surtout copilote, il a aussi été pilote sur une Polo puis sur Lancia Fulvia mais également préparateur, avec LDT qui couvait la Saxo S1600 de Pascal Gaban. Willy Lux n’a pas raté beaucoup d’éditions des Boucles de Spa depuis sa première participation en 1966 dans le baquet d’une NSU de 25 chevaux. Il passe cette année de l’autre côté de la barrière en devenant le bras droit de l’organisateur Pierre Delettre.

- Pourquoi avoir accepté la proposition de Pierre Delettre de travailler avec lui ?

« J’ai lu son interview dans la DH du mardi après le rallye où il disait qu’il voulait tout arrêter. Je le sentais désabusé. Il cherchait quelqu’un pour l’épauler et je l’ai directement appelé pour lui dire que je devais lui parler. Je ne pouvais pas laisser tomber une aussi belle et grande épreuve ! C’est vrai qu’il y a eu pas mal d’imperfections dans l’organisation en 2008. Mais rien d’irrémédiable. Je me suis dit qu’avec ma rigueur et mon expérience d’équipier, je pourrais améliorer tout cela. On s’est vite mis d’accord, dès le mois de mars. J’ai ainsi évité que les Boucles soient supprimées ou seulement organisée une année sur deux. Je suis motivé à 200% pour que tout soit parfait mais c’est difficile. Au fur et à mesure que les semaines passent, on trouve des pierres sur notre chemin. Et dès qu’on a réussi à en enlever une, on en trouve une autre. C’est un travail de communication. Ma petite notoriété m’a aidé. J’ai été trouver tout le monde, les bourgmestres mais aussi les riverains anti-rallye. Et j’ai été étonné de recevoir un aussi bon accueil. Je n’ai essuyé aucun refus. Et le rallye retourne sur des communes où il n’était plus allé depuis dix ou trente ans. En fait, ce qui dérange le plus les gens ce n’est pas le rallye mais les reconnaissances. C’est pour cela que je tiens tellement à garder le parcours secret. Mais malgré cela, il y a toujours des petits malins qui liment les routes de la région sans même savoir par où cela passe. Et sans savoir qu’ils tuent à petit feu le rallye. Interdit c’est interdit, que ce soit en voiture, à vélo ou même à pied. D’ailleurs le prochain que je chope sur le parcours, je n’hésiterai pas à le mettre hors course ou à lui infliger une lourde pénalité avant même le départ. Il faut faire des exemples car certains ne comprennent pas bien l’esprit de notre épreuve. Alors on va leur expliquer. Willy Lux une fois qu’il est de l’autre côté et fait son travail n’a pas d’amis. Que ce soit Duez, Gaban ou un autre, personne n’aura le tracé avant. Même Pierre Delettre ne sait pas où je vais placer mes contrôles secrets. Je suis le seul à savoir. Comme cela il n’y aura pas de fuites. »

- Qu’espérez-vous apporter à l’épreuve ?

« Du sang neuf, une nouvelle motivation et de la rigueur. Pour la première fois en Belgique, le chronométrage se fera avec des puces électroniques. Il n’y aura ainsi plus aucune erreur ou discussion avec les chronos. Le système est infaillible. Je me suis aussi occupé du parcours, à 80% nouveau par rapport à l’an dernier. Et je veux que ce soit pareil en 2010. Lorsque vous organisez un rallye comme cela, il faut changer le tracé à chaque édition sinon ce n’est plus du secret. »

- Que ferez-vous durant le rallye ?

« Je partirai une heure et demi avant le premier concurrent pour placer moi-même tous les contrôles secrets pour le rallye Classic. Je veux que tout soit nickel. Ainsi s’il y a une faute, je l’assumerai seul. Je distribuerai aussi les montres avec les puces électroniques. Ensuite, je reviendrai à la direction de course et j’irai de temps en temps sur le terrain pour prendre la température. Etre à l’écoute des pilotes et copilotes pour voir si tout se passe bien. »

- Ne regrettez vous pas de ne pas être au départ en tant que copilote ou pilote ?

« Pas du tout. J’aime beaucoup ce que je fais. C’est passionnant. Si vous prenez des bonnes décisions, vous ne le regrettez pas. Sauver les Boucles en aidant Pierre et son équipe était une bonne décision dont aujourd’hui je suis fier. Les Boucles m’ont beaucoup apporté dans ma carrière et je suis heureux de pouvoir faire quelque chose de concret pour la pérennité de ce monument du rallye belge. »

Si la phase de préparation et d’organisation était d’importance, c’est en raison principalement des acteurs et de leur niveau. Du jamais vu en Belgique !

Facile à imaginer avec plus de 270 engagés dont tous les ténors belges d’hier et d’aujourd’hui et deux ex-stars mondiales ! Les organisateurs pensaient avoir atteint les sommets l’an dernier et on s’était dit qu’il serait difficile de faire mieux. Et pourtant, le record de participants détenu depuis 1983 par le Bianchi avec 238 engagés est largement battu le jour précédent le rallye!

Les acteurs

Guy Fréquelin et Markku Alen, invités vedettes

Vingt-quatre ans après son unique participation chez nous, au Rallye du Condroz au volant d’une Opel Manta 400, le Français Guy Fréquelin était de retour en Belgique. Ancien champion de France des rallyes, de course de côte et de rallycross, 4e des 24H du Mans 1978 et du Dakar 1989, l’ancien directeur de Citroën Sport a aujourd’hui pris une retraite bien méritée. Ce qui ne l’empêche pas d’encore se faire plaisir derrière un volant. Epaulé par le régional de l’étape André Leyh, le « Freq » retrouvait les commandes de la Talbot Lotus Groupe 2 couleurs usine avec laquelle il a été sacré vice-champion du monde en 1981 derrière Ari Vatanen. Une spectaculaire propulsion de 235 chevaux très bien entretenue par le team Tegelsfeer.

Guy Fréquelin retrouvait au départ un de ses rivaux de l’époque en la personne de Markku Alen. Figure mythique du rallye mondial, le grand Markku était quand à lui de retour grâce à Paul Fraikin et Christian Kelders avec une Porsche Groupe 4 de 1973 à la hauteur de son talent puisqu’elle est préparée dans les ateliers britanniques de Richard Tuthill.

Snijers et Droogmans au sein du Porsche Legend Racing !Voitures les mieux représentées, les Porsche Groupe 4 étaient majoritaires parmi les équipages favoris. A commencer par la numéro 1 du sextuple vainqueur de l’épreuve Patrick Snijers et celle de son frère ennemi, Robert Droogmans qui n’avait plus mis les roues à Spa depuis vingt ans. Snijers et Droogmans équipiers, on croit rêver. D’autant que Robert, 8 fois vainqueur à Ypres mais jamais à Spa, pilotait une très bonne Porsche ex-Gustavson (propriété de Mr Georges Embo, déjà propriétaire de la 911 victorieuse en 2007 avec Duez) aux couleurs rouge et blanc Belga. De quoi rappeler de bien bons souvenirs à tous les fanas nostalgiques de la glorieuse époque des cigarettiers.

Munster, Bouvy et Duval aussi en 911 !

Mais la liste des 911 de pointe ne s’arrêtait pas à ces deux noms ! Il fallait encore y ajouter la 3e Tuthill de Bernard Munster ou la toute nouvelle Groupe 4 montée par Lionel Hansen et Jean-Marc Gaban (un bijou) pour le double champion de Belgique en circuit Fred Bouvy qui retrouvait au sein du team Kronos Vintage la 911 du patron Jean-Pierre Mondron et la voiture qu’il pilotait en 2008, la version « Clubman » de 1986 était quand à elle dévolue à… François Duval. Excusez du peu..

Face à cette véritable armada Porsche encore complétée par les autos de Chavan (le plus ancien lauréat au départ), Lambert Liégeois (avec le directeur du RACB Michel Jodogne), Marc Devis (épaulé par Georges Van Oosten), Gérard Marcy et les 914 de Reuter et Paisse, la plus grande riposte devait venir du clan Opel avec non moins de six candidats au podium. Trois Manta 400 Groupe B pour le double vainqueur Marc Duez, Guy Colsoul et Steve Van Bellingen.

Gaban, Thiry, Loix et Stefan Everts, la bande des Kadett

Mais il fallait compter avec les Kadett GTE Gr.2 ou 4 de l’ancien champion du monde des rallyes Groupe N Pascal Gaban, Bruno Thiry et surtout de Freddy Loix, leader de l’épreuve l’an dernier après 5 RT avant de casser un câble d’accélérateur. Deuxième du dernier Rally Monte-Carlo, Loix offrait un baptême à son ami Stefan Everts, dix fois champion du monde de motocross !

Lieater et Van Woensel sous bonnes Escort

Et les Escort ? La superbe Groupe 4 victorieuse l’an dernier était cette fois aux mains de Chris Debyser, un spécialiste des rallyes historic en Flandres. D’autres très belles Ford MKI ou MKII étaient pilotées par Pol Lietaer, Chris Van Woensel, le très véloce Stouf ou encore Delhez, Fortemps, Elleboudt, Lemahieu, Vahsen, Kevers, Lacroix, Meynaert, Lejeune, etc. Sans oublier la plus récente Sierra Cosworth de Timothy Van Parijs.

Les pistards aussi

Enfin, outre Bouvy et Vanbellingen, deux grands habitués de l’épreuve, d’autres pistards se joignaient à la fête spadoise avec Maxime Soulet (Escort RS du SRS Garage), Julien Schroyen (Kadett), Armand Fumal (911), Loris de Sordi (Kadett), René Franchi (Escort), Didier Noirhomme (MGB), Marc Devis (Porsche), Stéphane Lémeret (BMW 320) ou encore Pierre-Yves Rosoux sur une très belle Audi Quattro aux couleurs usine de l’époque.

Enfin, l’ancien triple vainqueur Grégoire de Mevius, débarquait avec une magnifique Mazda RX-7 et pour la toute première fois depuis plus de vingt ans, les quatre mousquetaires étaient donc réunis !

Le film

Le décor était planté dés la veille. Il avait neigé abondement sur la région spadoise et les simulation météorologiques laissaient augurer que ce type de climat allait se stabiliser pour le WE. Donc, les concurrents devaient affronter la glace vive en matinée à Creppe et Stoumont, beaucoup de neige à Ster et dans la Clémentine, mais étaient éclaboussés du soleil durant toute la journée du samedi, les conditions étaient idéales pour un rallye hivernal comme à la glorieuse époque des “Routes Blanches » !

Venu en très grand nombre, le public pouvait alors assister à un magnifique spectacle ! Si les figures de tous genres et quelques sorties ont eu lieu, heureusement, il n’y eu aucun accident grave à déplorer. Un premier point très positif pour l’organisateur Pierre Delettre, comblé de bonheur qui expliquait :

Gérer près de 250 autos dans des conditions pareilles n’est pas une mince affaire. Les risques d’accident ou de retard sont beaucoup plus importants et l’on a connu aucun incident. C’est une première grosse satisfaction. On a juste dû annuler le premier passage dans Stoumont car même les commissaires ne parvenaient pas à monter à leur poste en raison du verglas. On a aussi neutralisé le deuxième passage dans Creppe suite à l’incendie de la voiture de Robert Droogmans. Je regrette juste d’avoir dû supprimer le dernier passage dans Creppe suite à un souci avec l’équipe en place. On en tirera les leçons qui s’imposent.

En début d’épreuve, la glace fondant au rythme des passages de voitures en pneus neige non cloutés a offert d’énormes surprises. Ainsi, le premier leader de l’épreuve s’appelait Patrick Philips, avant-dernier à s’élancer en Legend aux commandes de sa petite VW Polo.

Puis ce fut au tour du spectaculaire Alfred Vahsen de mener durant une RT avant de céder le relais à la petite Mini du Maxi François de Spa qui se montrait comme de coutume impressionnant sur un terrain taillé pour sa monture. De Spa va d’ailleurs conserver le leadership jusqu’au premier passage réel dans l’étape aussi longue que rapide de Stoumont. Là, Markku Alen, copiloté par le hutois Prévot frappe a un grand coup au volant de sa Porsche 911. “Il m’a réellement bluffé,” s’exclamait Stéphane Prévot ! « La glisse, c’est son truc. A Stoumont, il a disputé une spéciale parfaite en roulant à vue et on a fait le scratch 12 secondes devant Snijers.”

Hélas, quatre spéciales plus loin, dans Ster, un culbuteur cassait sur le moteur de la 911 louée chez Tuthill. “On a préféré en rester là plutôt que de risquer de tout casser pour finir douzième” racontait Markku déjà partant pour 2010. “Je veux absolument gagner ce rallye. Et convaincre d’autres Finlandais de venir. Je me suis vraiment bien amusé”.

C’est lors du deuxième passage dans Ster que le rallye se joua donc avec le début des soucis d’Alen et la sortie de Marc Duez, alors deuxième à 17 points du Finlandais, perdant un temps précieux dans un mur de neige. Auteur d’un super chrono, Patrick Snijers n’avait plus qu’à se laisser glisser vers son 8e succès aux Boucles de Spa !

Terminant à nouveau second à une minute vingt-quatre, Jean-Pierre Van de Wauwer au volant de son originale et très belle Lancia Beta devançait l’Opel Manta 400 Gr.B de Marc Duez résistant jusqu’au bout au retour de la Porsche 911 de Bernard Munster.

Cinquième, François de Spa a réalisé un véritable exploit avec sa petite Mini. Pascal Gaban aurait pu intégrer le Top 5 s’il n’avait été bloqué dans Ster par Michel Maes au volant d’une Talbot Lotus victime d’un manque flagrant de motricité sur la neige.

L’Escort RS1600 de Stouf s’intercalait au 8e rang entre les Opel, tandis que les de Mevius père et fils, les plus rapides sur la base militaire de Saive, clôturaient le Top 10 avec la Mazda RX7.

Outre les malheureux abandons de Fred Bouvy (touchette RT5), Robert Droogmans (incendie RT7), Steve Vanbellingen (moteur RT4), Guy Colsoul (retrait volontaire), Pol Lietaer ou Hubert Deferm, on retiendra encore la victoire en surclassement en Classic (50 km/h) de la Porsche 911 d’Alain Lopes et Joseph Lambert, à peine descendus de leur podium du Monte-Carlo.

Les présentateurs télé Jean-Louis Lahaye et Didier de Radiguès se classent respectivement 27e et 45e, et nous clôturerons par la 97e position de la Talbot Lotus Gr.2 de Guy Fréquelin. Arrêté par des problèmes de pompe à essence à Stoumont, l’ex-vice-champion du monde a insisté pour que son équipe répare afin qu’il puisse disputer la dernière boucle nocturne afin de profiter encore de cette ambiance magnifique. Et le grizzly aussi a promis de revenir.

CLASSEMENT « LEGEND »

1.Snijers-Soenens (Porsche 911) en 867,42;
2. Van de Wauwer-Marnette (Lancia Beta Monte-Carlo) à 84,33;
3. Duez-Muth (Opel Manta 400) à 116,02;
4. Munster-Hansen (Porsche 911) à 119,54 ;
5. De Spa-Grogna (Mini Cooper) à 130,98;
6. Gaban-André (Opel Kadett GTE) à 169,00;
7. Thiry-Gilsoul (Opel Kadett GTE) à 204,18 ;
8. Stouf-Erard (Ford Escort MKI) ;
9. Loix-Everts (Opel Kadett GTE) à 282,8 ;
10. De Mevius-De Mevius (Mazda RX7 Gr.B) à 318,52 ;
11. Van Woensel-Van der Sloten (Ford Escort Gr.4) à 336.9 ;
12. Duval-Bourdeaud’hui (Porsche 911 Gr.N) à 371,46 ;
13. Bodson-Chaboteau (Opel Ascona) à 379,62 ;
14. Horgnies-Pirotte (Opel Manta) à 391,14 ;
15. Bergsteyn-Wolter (P-B/Opel Kadett B) à 464,02

CLASSEMENT « CLASSIC »

A. Lopes-Lambert (Porsche 911) 375,75 ;
Verhelle-Thirionet (Ford Cortina GT) à 94.77 ;
Chaballe-Delvenne (BMW 2002) à 282.51 ;
Gengou-Gathy (Volvo 142) à 319,45 ;
De Biolley-Lesuisse (Porsche 356C) à 324,55

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