- Dan, peux-tu me parler un peu de toi et de ton expérience en régularité ? Pourquoi as-tu participé aux Boucles de Spa ?

Cette épreuve a un goût particulier pour moi. En effet je travaillais à Bruxelles près de l’usine VW en 2007 lorsque j’ai vu des personnes charger une vieille BMW sur une remorque: ils partaient pour les Boucles de Spa. Le samedi, je suis allé à Spa et la vieille passion des rallyes qui était en moi est revenue. J’ai d’abord roulé comme copilote du regretté « Emmerson », de son vrai nom Christian Boileau, à bord d’une Daf 555 automatique.

Puis j’ai acheté une Simca Rallye 2 de 1975 qui n’avait plus roulé depuis 30 ans. Un travail de remise en route grâce à « Papa Noël » (il se reconnaîtra) fut vite fait. Puis j’apprends par hasard que Daniel Pigeolet cherche un pilote car le sien arrête. Je lui téléphone, nous faisons une petite épreuve de navigation du HRC avec ma Fiat 124, tout se passe bien et nous décidons de rouler ensemble.

En 2008, nous participons à notre première épreuve de régularité ensemble: je conduis et Daniel Pigeolet est mon copilote ! Jamais je n’aurais imaginé que Daniel accepte de rouler avec moi alors que je n’avais encore jamais participé à la moindre course. Nous nous sommes inscrits aux Boucles de Spa 2008 avec la Simca. Résultat: 4^ème place au général, 1^ère place de groupe et 1^ère place de classe. Suite à ce résultat, nous avons baptisé la Simca « Clémentine ». Nous en profitons pour embrayer avec le championnat FBVA de régularité que nous finissons à la 3^ème place. On termine aussi 2^ème au Tour de l’Aisne.

En 2009, aux Boucles de Spa, « Clémentine » nous lâche à la sortie de la RT de Saive avec une pastille moteur qui sort de son logement, alors que nous étions 6^ème... Ensuite, nous devenons vice-champion de Belgique de régularité, on gagne entre autre le St Nicolas Rally et on ramène plein de coupes car on gagnait souvent au moins la classe.

En 2010, je ne suis pas allé à Spa, mais nous avons fait plus de sorties à l’étranger. Nous avons roulé au Trophée des Frontières où nous avons fini 2^ème ex-aequo.

Ce retour à Spa en 2011 fait donc remonter une foule de souvenirs au moment où je monte la Porsche 944 sur la remorque...

- Alors, comment s'est déroulé ton rallye ?

Tout d’abord, je n’ai pas roulé avec mon « petit frère » Daniel Pigeolet qui n'était pas disponible, mais avec Mikael Demortier. Donc il fallait nous comprendre dans l’auto, car la régul est essentiellement une question de complicité entre le pilote et le copilote. On n’a pas mis trop de temps pour que cela marche, même si lui avec son pilote habituel et moi avec Daniel nous ne « travaillons » pas de la même façon.

- Peux-tu nous faire un petit compte-rendu ?

Je suis assez content de sortir de la Clémentine avec juste 6 secondes de pénalité car cela glissait dans les dernières épingles. Ensuite, Creppe, une RT que j’aime bien, il faut être précis sous peine de toucher. A Ster, je pense que nous avons fait une bonne RT. Ensuite longue, trop longue étape de liaison pour rejoindre Saive par l’autoroute. RT trop courte par contre...

Stop à Blégny pendant une heure. Nous sommes 11^èmes.

Puis retour trop long vers la RT 5 de Stoumont que j'aime bien aussi, car c’est une succession de longues enfilades. Dans la RT 6 à Basse Bodeux, nous avons oublié de sortir au bon endroit après le 3^ème tour et on a dû faire demi-tour dans la RT ! Beau parcours avec des chicanes placées à différents endroits. La RT 7 (Lierneux) était très cassante et très glissante, j’ai donc fait attention car un bruit de cardan à l’arrière gauche m’incitait à la prudence.

Ensuite, Wanne, rien de spécial, suivi du regroup de Spa. Puis de nouveau Creppe et Ster. On reçoit, enfin on cherche par gsm, sur le net les classements nous avons dégringolé vers la 30^ème place. Mika a en effet confondu la zone de départ de la RT avec le départ réel 150 m plus loin donc depuis le début à chaque fois nous avons des distances fausses et donc des pénalités.

La RT secrète est une cata pour nous. Mika confond la moyenne totale 39.11 km/h avec la vitesse moyenne de la RT qui est de 50 km/h. A sa décharge, il est malade depuis vendredi, il est très fatigué, il a des jeunes enfants et il dort mal. Ces erreurs stressent notre attitude et on fait des erreurs de navigation supplémentaires.

Pour corser le tout la voiture n° 1 est sortie de la route et la dépanneuse nous empêche de finir la RT normalement. On rentre à Spa assez dépité d’autant que l’on s'est fait flasher par un radar sur le routier. Nous sommes nombreux dans ce cas là. Je râle, car toute la journée, j’ai scrupuleusement respecté le code de la route.

- Pourrais-tu nous parler un peu plus de ta voiture ?

Grâce à l'excellent travail de notre mécanicien, la Simca était devenue très compétitive, mais la caisse et la carrosserie avait beaucoup souffert. Soit on la remettait à neuf et on la gardait au chaud au garage, soit je changeais car continuer à la traiter ainsi me faisait mal. Pour rouler en régularité, ce n'est pas une bonne idée d'avoir une belle auto, car on doit souvent emprunter des chemins défoncés et la voiture subit beaucoup de contraintes.

- Pourquoi le choix de la Porsche 944 ?

Je voulais du couple car la Simca en montée, c’est 4^ème, 3^ème, 4^ème, 3^ème, et tu entends le moteur mouliner dans les tours. Et, comme nous voulions rouler dans les cols français, Daniel Reuter m’avait conseillé un Porsche 924 que l’on aurait un peu préparée; et je suis tombé par hasard sur une 944 qui ont quand même une « gueule » plus aggressive.

- Quelle est sa préparation ?

Presque rien: des plaquettes de frein de compétition, du liquide de frein haute température et un imposant protège-carter monté juste avant les Boucles de Spa.

- As-tu rencontré des problèmes de fiabilité ?

Non aucun, cette auto est une vraie Porsche avec un moteur fiable et tout le reste est à l’avenant.

- Quel matériel utilises-tu pour le calcul des moyennes ?

J’utilise Daniel qui est le principal matériel à bord... C'est un copilote capable de travailler avec des tables de moyennes ! Bon je plaisante, mais il a le rôle le plus important dans la voiture, avec un bon tripmaster et une bon chronomètre.

- Pour les néophytes, accepterais-tu de révéler le budget global pour participer aux Legend Boucles de Spa ?

950 € pour l’inscription, une nuit d’hôtel dans le coin et 150 € d’essence...

- Quelle est ta RT préférée ?

La Clémentine même si je trouve les épingles à la fin très dangereuses si on sort. J’aime bien Creppe, il faut être très concentré et précis, cela va du vite au lent, c’est un bon mélange.

- As-tu rencontré des problèmes avec le calcul des temps ?

C’est surtout l’organisateur qui a eu un gros problème en choisissant les Trippys. Mon copilote s’est trompé de lieu de départ de certaines RT et cela nous coûte cher en pénalités. C’est aussi ça la régul, c’est plein de choses à faire en même temps pendant une douzaine d’heure et tu risques donc à un moment de te tromper de route, de distance, de calcul, etc. Mais je n’en veux pas à Mika, on roule, on gagne, on perd ensemble, cela vient de mes années de rugby à Boitsfort.

- Que voudrais-tu voir s’améliorer dans l’organisation des Boucles de Spa ?

Si tu veux on fait une deuxième interview ? Il y a beaucoup à dire, et critiquer c’est très facile, mais si tu veux un avis qui est celui de beaucoup de mes copains de la régul, je vais te le donner pour faire avancer les choses sans animosité personnelle.

Il faut bien dire que certaine choses ne sont pas prises en considération: de toute l’épreuve, on ne voit personne de l’organisation. Que ce soit au contrôle technique, au podium, au départ et à la fin des RT, au break de midi: personne. Idem à l’arrivée en fin de soirée: personne, les « Legend » sont là, elles passent sur le podium, et toi tu es garé avec tes copains et personne ne sait si on doit passer sur le podium, attendre un classement, revenir le lendemain, etc.

Je te raconte une anecdote: dans la dernière RT sur route ouverte, j’arrive dans un virage et je suis bloqué par une dépanneuse qui sort la voiture n °1 du ravin. Après m’être assuré que je ne pouvais aider, j’ai attendu avec Mika que la route soit dégagée, puis j’ai avancé jusqu’à la fin de la RT, tu t’imagines mon retard pour pointer. Et bien, que dois je faire ? à qui dois-je téléphoner pour dire que j’ai été bloqué en pleine RT ? toujours personne.

Voilà pourquoi les « Classic » se sentent abandonnés. Et je ne te parle pas du programme que tu dois acheter 8 €, des sandwiches que tu n’as pas, ni même une simple petite bouteille d’eau. Il doit quand même y avoir moyen de trouver un sponsor qui nous offre un verre, un café, mais non, je pense que l’organisateur ne pense pas à nous. Ce que je te dis, c'est ce que j’ai entendu pendant 48 h. De plus, on parcoure 3 RT de moins en « Classic » qu'en « Legend » pour un coût d’inscription identique.

On a beaucoup attendu au départ des RT et pas roulé assez; je peux comparer avec un St Nicolas où tu fais sans doute 10 fois plus de route ! Aller à Saive pour une RT par l’autoroute, ce n’est pas marrant et ça ne ne sert à rien, surtout pour revenir 2 heures après à Stoumont. C’est trop de routes de liaison. La RT sur route ouverte était trop difficile pour certains, et c’est idiot de rouler avec des casques sur les routes fermées et sans sur routes ouvertes. Tu passes tout d’un coup sur des routes un samedi soir où des tas de gens roulent comme des fous pour aller voir les « Legend ». C’est comme cela que beaucoup se sont fait piéger par un radar en rentrant à Spa car si tu es en retard, tu roules plus vite sur les routes ouvertes.

Je pense qu’une qualité importante des organisateurs devrait être l'écoute de ceux qui ne sont pas de leur avis et ici, clairement l’organisateur n’écoute pas les « Classic », alors que j’ai vu Mr Delettre être aux petits soins pour Vatanen et son fils, après les épreuves de classement de vendredi soir. Mias un regard pour nous: beaucoup de copains étaient très mécontents...

- La catégorie Classic est très peu suivie par le grand public...

Encore moins quand on ne passe pas avec les Legends, comme cette année. Mais bon, il est trop facile de dire les « Classic » paient pour les vedettes. Personnellement, quand je vois Vatanen à côté de moi, je me retrouve à l'époque de mon adolescence quand je me trouvais à côté de Niki Lauda ou Steward au Grand Prix de Monaco: j'ai l'impression de partager avec eux quelque chose d’unique. Que tu sois dans la 2CV qui a roulé, dans ma 944 ou dans l’Escort de Waldegard, on a la même passion et les mêmes émotions; je prends autant de plaisir à passer le plus vite possible dans un virage d’une régul que Duval en WRC !

- Tu n’es pas tenté de participer en Legend ?

Je n’ai ni le budget ni la voiture ni la compétence pour le faire.

- Comptes-tu remettre le couvert l’an prochain ?

Possible, peut-être avec un sponsor.

- En catégorie Classic, alors ?

Oui, à moins que je n’aie le temps de suivre des cours de pilotage.

- Sentiment global après ce rallye ?

Mitigé: j’adore l’ambiance générale, les teams super équipés, les stars (j’ai discuté un moment avec François Duval); le parcours est très chouette, mais à mon avis mais mal découpé à cause du nombre de voitures. L’ambiance trop peu « humaine » est dérangeante, j’aime aller aussi à la rencontre des gens et ici l’organisateur ne doit pas aimer venir vers nous. Pour la performance globale de notre équipage, je ne suis pas déçu, on aurait pu faire mieux tous les deux bien sûr, mais je pense avoir bien roulé sans faute et sans excès.

Dan, merci pour ce long entretien, merci d'avoir répondu à mes questions de façon détaillée. Je te souhaite bonne chance pour la saison 2011, et notamment pour ta prochaine épreuve, le Rally Costa Brava Historic début avril.