L’histoire

Hockenheim, octobre 1992. Au volant de sa Schnitzer-BMW M3 Sport Evolution, Roberto Ravaglia remporte les deux dernières manches de DTM de la saison. Sur place, on ne se rend pas compte que l’on vient de vivre aussi la dernière victoire d’une « Béhème » usine en DTM pour longtemps.

Après quelques années furieuses d’un règlement de classification des voitures qui permettait un équilibre des concepts différents en  adaptant par exemple les brides des moteurs turbo ou la largeur des pneus, on a décidé d’installer un nouveau règlement pour 1993. Ce fut ainsi la naissance des voitures de Supertourisme selon les « class I » et « class II ». Nous ne revenons pas sur les détails de ce règlement ni sur les querelles politiques pendant l’hiver 1992/93 qui furent suivis par le retrait d’Audi, BMW et Opel du DTM.

On a bien failli ne jamais récupérer l’affaire ! On a néanmoins sauvé la situation avec l’arrivée d’Alfa Romeo avec sa 155 V6 TI, une véritable voiture selon la « class I » et l’autorisation donnée aux équipes privées de continuer à courir avec leurs voitures de la saison précédente. Ainsi, Mercedes a donc remplacé ses 190E Evo II adaptées au nouveau règlement par des voitures de la nouvelles Classe C. L’ultime rendez-vous de la saison à Hockenheim aura été le théâtre des débuts de la nouvelle Opel Calibra V6 DTM.

Avec l’arrivée en nombre des nouvelles voitures de « class I », les BMW M3 privées devinrent caduques et disparurent très vite du championnat. Mi-1994 au Nürburgring, on a vu le dernier départ d’une BMW M3 E30 en DTM. Les années passèrent et le DTM continuait sans BMW.

Fin des années 90, l’explosion des budgets a provoqué une pause de trois ans, mais en 2000, le DTM renaissait avec un tout nouveau règlement. On a aussi abandonné le concept de championnat national: le Deutsche Tourenwagen Meisterschaft allait s’appeler le Deutsche Tourenwagen Masters. Ceci permettait de garder l’abréviation DTM, devenue une marque bien connue, et de courir à l’étranger. En plus des Nürburgring, Norisring, Motopark Oschersleben, Eurospeedway Lausitzring ou Hockenheim, le DTM a aussi fréquenté les circuits de Zandvoort, Zolder, Francorchamps, Dijon, Barcelone, Estoril, Brands Hatch, Mugello ou Istanbul, pour ne citer qu’eux.

Après le retrait de BMW, on a surtout vu Audi et Mercedes animer la scène. Pendant ce temps, BMW s’est aventuré dans les divers championnats nationaux de Supertourisme avec des voitures de « class II » avec de la réussite comme on pu le voir aux 24 Heures du Mans. Un engagement en F1 fut cependant moins glorieux. Mais qui se souvient des nombreux succès des « Béhèmes » en ALMS ou ETCC puis WTCC ?

Le temps passait et on évoquait çà et là des rumeurs concernant un retour de BMW en DTM. Rumeurs confirmées car dès l’élaboration du nouveau règlement pour la saison 2012, BMW fut de la partie autour de la table des négociations. Lors de la finale DTM à Hockenheim en automne 2011, le public a pu admirer les voitures de nouvelle génération. Il a également pu les admirer en exposition à l’Essen Motor Show. BMW a bien profité de l’occasion en rappelant la belle époque avec l’exposition d’une voiture de Roberto Ravaglia, la M3 Sport Evo de 1992 a donc été présentée à côté de la BMW M3 DTM année 2012.

S’en est suivi un long hiver d’attente.

Le week-end d’ouverture de la saison DTM à Hockenheim approchait et on a bien vite annoncé que la meilleure vente de tickets de tous les temps pour ce premier rendez-vous de DTM 2012 avait été atteinte avec plus de 55.000 tickets vendus en pré-vente.

En live

J’avais bien entendu le mien ! Comme inconditionnel de DTM à l’époque des Harald Grohs, Johnny Cecotto, Roberto Ravaglia, Joachim Winkelhock, Fabien Giroix, Altfrid Heger, Steve Soper, Kurt König, les regrettés Winnie Vogt et Anette Meeuvissen et autres, j’en avais fait une question d’honneur.

Enfin vendredi, fin de travail. J’arrive à temps au circuit pour les essais libres. Il y a Audi et Mercedes, les BMW ne se trouvent qu’au-delà de la 10ème position. Après la perte du capot de la BMW d’Andy Priaulx, le triple champion du monde WTCC, on retire toutes les M3 des essais. Ça commence bien !

Le lendemain la situation a changé. A la fin des deux sessions des essais libres du samedi matin, la Schnitzer-BMW M3 du canadien Bruno Spengler, l’ancien pilote Mercedes, devance les Audi d’Edoardo Mortara de 0,007 s et de Mattias Ekström de 0,034 s.

BMW célèbre son retour en DTM avec quelques tours de démonstration pendant la pause midi. Nous avons droit à un défilé de BMW anciennes. Il y a la 320 Groupe 5 de Marc Surer, une M1 Procar piloté par Steve Soper et une Zakspeed-M3 avec Eric van de Poele au volant.

Dans l’après-midi les choses deviennent sérieuses. C’est la qualification pour la course de dimanche. Ces essais chronométrés se déroulent en quatre sessions. De session en session on réduit le nombre de voitures. A la fin de chaque session les six voitures les plus lentes sont éliminées et gardent leurs positions pour la grille de départ. Avec un total de 22 voitures alignées on élimine 3 x 6 voitures et on garde les quatre pilotes les plus vites pour un contre la montre.

Encore une fois c’est Bruno Spengler qui domine les sessions Q1 et Q2 avec sa M3. En Q3, parmi les 10 voitures les plus vites, se trouvent toujours 3 BMW ! Est-ce que ça sera la pole position pour Spengler ? Mais suite à un souci de direction, il n’arrive pas à rester devant les autres pilotes. A la fin de Q3 on trouve donc les deux M3 de Spengler et Tomczyk en 9ème et 10ème position. Mais avec le 3ème temps en Q3, Dirk Werner passe en Q4 pour le contre la montre. Pour non-respect du feu rouge à la sortie des stands son temps de Q4 sera effacé, mais il garde quand même la 3ème position dans sur la grille de départ puisque Edoardo Mortara, le jeune pilote Audi, a aussi été à la faute. Ça promet pour la course de dimanche !

Le dimanche il fait beau. Pendant le warm-up du matin les pilotes font des essais de départ à la sortie des stands. Un sacré bruit. Il est difficile de discerner les moteurs aux yeux fermés. Les V8 des Mercedes sont un petit peu plus sonores que ceux des Audi et les V8 des BMW apparaissent une nuance plus enroués. Pendant la pause midi on répète le défilé des anciennes BMW. Quel plaisir de revoir ces anciens bolides en action ! Le pit-walk est très prisé par le public présent et ensuite les voitures quittent les stands pour se mettre sur la grille de départ. La tension monte. Enfin les grid-girls, les mécaniciens de l’assistance, les fonctionnaires des équipes et les journalistes évacuent la grille de départ. Le peloton passe en lignes serpentines devant les tribunes. C’est le tour de chauffe des pneus et des freins. Le tour le plus long de toute l’année. La tension monte. Les voitures reviennent dans leurs positions de grille. Tous à l’arrêt, drapeau vert, allumage des feux rouges, les pilotes mettent les V8 dans les tours, pour quelques moments un bruit incroyable gronde à travers le Motodrom, et feu vert ! C’est parti. Le peloton approche en vitesse au premier virage. Mais où sont les « béhèmes » ? Dirk Werner tourne à la 6ème position. Il a raté son départ. Les voitures passent comme une nuée des frelons. Que du bonheur! Mais ce ne sera pas pour longtemps. Le troisième tour Ralf Schumacher freine sur un point de repère très « aventureux » et rentre dans les M3 de Dirk Werner et Bruno Spengler. Est aussi touchée l’Audi d’Adrien Tambay. Fin de course pour Spengler et Tambay. Werner peut continuer pendant que Schumacher est convoqué en pit-lane pour un drive-through, carton jaune pour lui. Le tour suivant la BMW de Martin Tomczyk est tamponnée de la Mercedes du jeune espagnol Roberto Merhi.

Fin de course pour Tomczyk. Il ne faut que quatre tours pour éliminer les trois BMW qui se trouvaient dans les top ten.

Il n’y a plus de ravitaillement pendant la course. Les voitures sont équipées d’un réservoir de 120 litres pour une distance de 180 km. Mais il y a toujours deux stops obligatoires pour changer les pneus. La course est donc divisée en quarts. On ne va pas changer de pneu pendant le quart de départ, sauf en cas de crevaison. Les stops obligatoires s’effectuent pendant les 2ème et 3ème quarts. Pendant le quart final, on ne s’arrête plus, sauf cas d’urgence.

Au début de la phase des stops obligatoires, il y a encore quatre BMW en course, celle de Dirk Werner en bonne dernière position, il chasse le peloton. Andy Priaulx perd quelques secondes dans son premier stop. Edoardo Mortara est invité pour un drive-through, il a envoyé la M3 de l’américain Joey Hand en tête-à-queue. Quelques tours plus tard la BMW du brésilien Augusto Farfus arrive dans les stands, mais il n’y a personne prêt à lui monter des pneus neufs... Il continue vite à travers les stands mais dépasse les 5 km/h au-delà des 80 km/h autorisés en pit-lane. Cela lui vaut un drive-through.

La suite est vite racontée. Les AMG-Mercedes de Gary Paffett et de Jamie Green dominent la course. Après 40 tours, Andy Priaulx finit 6ème à 28,435 s du vainqueur Paffett. Joey Hand rentre 13ème à 1.08,628. Augusto Farfus est 15ème à 1.09,556 et Dirk Werner se trouve à 1 tour à la 17ème position.

On a vécu une course turbulente avec des voitures spectaculaires. BMW est dans le coup, mais il faut améliorer les stops. On dira que ce serait très utile d’avoir les pneus prêts quand une voiture rentre dans les stands pour son stop obligatoire. A part ces bagatelles, une belle saison en perspective s’annonce.

Une semaine plus tard Bruno Spengler remportait la course à l’Eurospeedway Lausitzring. Ce fut la 50ème victoire d’une BMW en DTM.